Jane Elisabeth WILHELM
Université de Genève, Suisse
Resumen
L’herméneutique peut se définir comme l’art de comprendre et d’interpréter. En décrivant les opérations mises en jeu dans la compréhension d’un texte, l’herméneutique philosophique, en tant que théorie de la connaissance, répond à la question de l’intervention du traducteur dans la lecture. Dans cette perspective, la description du « cercle herméneutique » comme structure fondamentale de la compréhension par Friedrich Schleiermacher, au niveau méthodologique, et par Martin Heidegger, au niveau ontologique, est capitale pour le traducteur. Elle met en lumière le processus de la saisie du sens et les conditions de son avènement. Si la tradition herméneutique se présente aujourd’hui comme une réponse au problème de la compréhension et de son objectivité, la raison originale de l’activité critique, dont les antécédents remontent à l’Antiquité, était d’établir des normes d’interprétation régissant l’explication des textes. La question de l’interprétation en traduction s’inscrit aussi au sein d’un grand débat en traductologie, qui date depuis plus d’une vingtaine d’années, autour des questions des « normes », des « conventions » ou des « stratégies » en traduction. Ainsi, le texte, en tant qu’écriture appelant la lecture, et donc l’acte d’interprétation, constitue le point de rencontre des théories de la traduction et de l’herméneutique.
La traduction est au cœur de la réflexion de Hans-Georg Gadamer sur la compréhension, car elle lui sert de modèle pour illustrer les différents aspects du processus herméneutique. Pour lui, comme pour Paul Ricoeur, la traduction représente le paradigme de l’herméneutique, le modèle de l’interprétation ou de l’acte de la compréhension. Le travail herméneutique se conçoit alors comme une entrée en dialogue avec un texte actualisé dans la logique de la question et de la réponse et qui trouve son apogée dans une « fusion des horizons ». Le « dialogue herméneutique » s’applique aussi à la traduction, qui représente la réponse à la question que le traducteur a fait surgir de l’original, et cette traduction deviendra à son tour la question à laquelle le lecteur, en tant qu’interprète, s’efforcera de répondre.
Nous choisirons d’illustrer notre propos avec quelques exemples tirés de préfaces de traducteurs, de commentaires ou de traductions en langue française des œuvres de Shakespeare. Du point de vue de l’herméneutique philosophique contemporaine, on n’échappe pas à l’historicité de la traduction, en particulier dans le domaine littéraire. Chaque époque traduit à travers le traducteur, qui n’est pas un sujet totalement libre, mais un lecteur qui s’inscrit dans l’histoire ou la tradition et dont les choix sont régis par la sensibilité et les normes esthétiques de l’époque.
Mots-clés: herméneutique, cercle herméneutique, interprétation, traduction, traductologie, normes, conventions, traduction de Shakespeare.AbstractThe Hermeneutical Dialogue Jane Elisabeth WILHELM
Hermeneutics may be defined as the art of understanding and interpreting. In describing the process of understanding written discourse, philosophical hermeneutics, as epistemology, attests to the primordial role of the translator´s standpoint in the act of reading. Hence, Friedrich Schleiermacher’s formulation of the “hermeneutical circle” as the fundamental structure of all understanding at the methodological level, and its further development by Martin Heidegger in its ontological implications, is very important for the translator. It brings to light the phenomenon of understanding and offers insight into its possibilities and limits. If contemporary hermeneutics presents itself as an answer to the problem of understanding and to the question of the objectivity of interpretation, the original aim of the discipline, dating back to ancient Greece, was to establish a methodology, rules and norms for the interpretation of texts. The question of interpretation in translation should also be set in the context of the debate in translation studies over the last two decades on “norms”, “conventions” and “strategies of translation”. The text as writing, calling for its reading and interpretation, thus represents the meeting point of translation theory and hermeneutics.
Translation is at the very heart of Gadamer’s theory of understanding as it provides him with a model to explain the various aspects of the hermeneutical process. For him, as for Paul Ricoeur, translation is the paradigm of hermeneutics, the model of the basic interpretative process of “bringing to understanding”. Gadamer’s concept of the “hermeneutical dialogue”, that is of an interactive relationship with the text in a logic of questions and answers, culminates in the hermeneutic experience of a “fusion of horizons”. Understanding as a dialectical process of questioning also applies to translation. The task of the translator, then, is to find the question to which the text presents an answer, and the translation, in turn, becomes the question to which the reader, as interpreter, will have to answer.
We have chosen to illustrate our presentation with examples drawn from introductions by French translators, commentaries or translations in French of Shakespeare’s works. Contemporary philosophical hermeneutics asserts that all human understanding as such is historical and addresses the historical character of interpretation and translation, especially in the field of literature. Translations in each age are made by individual translators, who are not free subjects, but readers placed in history and in tradition and whose choices are governed by the sensibility and the aesthetic conventions of the time.
Key words: Hermeneutics, hermeneutical circle, interpretation, translation, translation studies, norms, conventions, Shakespeare translation.